A travers le monde, crues, tempêtes, glissements de terrain, laves torrentielles entraînent en moyenne une croissance exponentielle des pertes assurées, franchissant systématiquement la barre des 100 milliards depuis 2021. Le dernier rapport de la coalition Insure Our Future montre que plus d’un tiers des pertes assurées liées aux conditions météorologiques ces deux dernières décennies ont été attribués au changement climatique, correspondant à 600 milliards de dollars de pertes.
Aujourd’hui, les dégâts mondiaux de la crise climatique sont indéniables et de nombreux grands assureurs ont déjà cessé de proposer de nouvelles polices d’assurance dans les régions fortement exposées aux catastrophes liées au climat, comme dans plusieurs États étasuniens, dans certaines régions d’Australie et même en Europe.
Ainsi, Swiss Re estime que seuls 38 % des pertes économiques globales dues aux catastrophes climatiques extrêmes en 2023 ont été assurées, soulignant la charge injuste des coûts pour les communautés non assurées, qui sont généralement les moins responsables. En Suisse, nous ne sommes pas épargnées : selon Vojislav Mijic, responsable des assurances en Suisse romande chez VZ, « dans certains cantons où l’assurance pour les bâtiments n’est pas obligatoire, les propriétaires pourraient se retrouver sans couverture face à la récurrence des événements naturels (…) Dans des zones à risques, on a déjà des assureurs qui refusent d’assurer certains bâtiments »1.
“Les assurances jouent un double-jeu délétère en continuant à soutenir malgré tout massivement les acteurs principaux de la crise : l’industrie fossile. Ce soutien passe par l’offre de contrats d’assurance pour de nouveaux projets d’extraction, ou encore par l’investissement d’une partie des primes dans des entreprises extractivistes. Elles jettent ainsi de l’huile sur le feu tout en refusant de mettre la main à la poche en cas de brûlure, il est temps que les assurances fassent montre de cohérence.” affirme Morgane Nusbaumer de BreakFree Suisse.
Le marché de l’assurance des énergies renouvelables représente encore moins de 30 % de la taille du marché de l’assurance des énergies fossiles en 2023.
Les mathématiques du changement climatique révèlent une logique erronée : les pertes liées au climat vont augmenter et les combustibles fossiles sont confrontés à un déclin structurel à mesure que le monde passe à une consommation nette nulle. Cependant, les assureurs tirent également profit du risque climatique: Swiss Re estime ainsi que le risque climatique pourrait générer 149 à 183 milliards de dollars de primes supplémentaires d’ici 2040 ! Mais les budgets des ménages et des pouvoirs publics sont déjà mis à rude épreuve face à l’augmentation constante du prix des dégâts climatiques. L’industrie se trouve donc à la croisée des chemins : risquer de pousser la société au-delà des points de rupture ou accélérer la transition afin qu’elle puisse s’adapter à l’évolution du climat.
Zurich Assurance passe devant SwissRe dans le classement
Zurich Assurance, s’est hissée à la troisième place du classement après avoir mis à jour ses critères d’exclusion suite à la pression de la société civile en amont de son AGM 2024. D’après Camille Delgrange de BreakFree Suisse, “Nous nous réjouissons de cette nouvelle politique d’exclusion, mais nous regrettons qu’elle ne s’étende pas à sa partie gestion d’actifs. En effet, Zurich AM investit encore dans de nombreuses entreprises climaticides telles que Shell, Exxon ou BP. Cela dénote un manque de cohérence dans les politiques qu’il est important de corriger”
L’avenir du secteur de l’assurance dans un monde qui se réchauffe dépend donc de l’adoption de mesures proactives pour faire évoluer leurs portefeuilles en les éloignant de la source même du problème – les combustibles fossiles – et en cessant d’assurer l’expansion de l’industrie des combustibles fossiles et d’investir dans ceux-ci.
Sources : rapport IoF 2024
1) www.rts.ch/info/suisse/2024/article/comment-les-assurances-gerent-elles-les-sinistres-dus-aux-intemperies