
ASSURANCE
Couvrir les fossiles, dévoiler la catastrophe
L’industrie de l’assurance joue un rôle crucial, mais souvent négligé, dans la crise climatique. Sans assurance, les projets de combustibles fossiles—mines de charbon, pipelines de pétrole, terminaux de gaz—ne peuvent être construits ou exploités. En refusant d’assurer ces projets, les compagnies d’assurance ont le pouvoir de ralentir et d’arrêter l’expansion des combustibles fossiles. Pourtant, de nombreuses compagnies d’assurance continuent de soutenir l’industrie qui entraîne la destruction climatique.
Les compagnies d’assurance jouent un rôle double dans cette crise : elles ne se contentent pas de fournir une couverture pour les entreprises de combustibles fossiles, mais elles sont également de grands investisseurs et actionnaires dans ces industries. Une évaluation récente des assureurs suisses non-vie a révélé qu’aucune des huit entreprises évaluées n’a de politique d’exclusion alignée sur l’objectif climatique de 1,5 degré. Les lacunes les plus importantes concernent les politiques relatives au pétrole et au gaz conventionnels.
INSURE OUR FUTURE
Pour contester cela, BreakFree Suisse fait partie de la coalition mondiale Insure Our Future, qui pousse les assureurs à cesser de couvrir et d’investir dans les combustibles fossiles. Chaque année, la coalition publie un Scorecard mondial évaluant les plus grands assureurs sur leurs politiques et engagements climatiques. Cette transparence met la pression sur les compagnies d’assurance pour qu’elles prennent des mesures concrètes.
En Suisse, nous ciblons spécifiquement Zurich Assurance et Swiss Re, deux des plus grands assureurs au monde. Grâce à la pression soutenue des activistes, elles ont modifié leurs politiques, se retirant de certains projets de combustibles fossiles. Cependant, leurs engagements restent insuffisants et elles continuent d’assurer des projets destructeurs pour le climat à l’échelle mondiale.

Nouveau rapport: Swiss Insurance Climate Rating
Le 27 mars, nous avons co-publié le premier Classement climatique suisse sur l’assurance et les investissements, analysant le rôle des assureurs suisses dans le financement des combustibles fossiles.
Ce rapport met en lumière les contradictions entre leurs engagements climatiques et leurs pratiques commerciales réelles. Il fournit un outil clair pour les tenir responsables et pousser à des politiques plus ambitieuses.
Zurich Insurance : un pas en avant, mais insuffisant
En avril 2024, le groupe Zurich Insurance a annoncé un changement majeur dans sa politique de souscription : il ne couvrira plus de nouveaux projets pétroliers et gaziers, et appliquera des critères plus stricts aux clients souhaitant développer leurs activités dans l’extraction de charbon métallurgique. Cette décision s’inscrit dans l’objectif de Zurich d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Sierra Signorelli, directrice de l’assurance commerciale chez Zurich, a souligné que l’exploration et le développement de nouveaux projets fossiles ne sont plus nécessaires pour assurer la transition énergétique.
Mais ce revirement ne s’est pas produit spontanément. Il est le résultat d’une pression croissante de la société civile, notamment grâce à notre mobilisation et celle d’autres organisations du réseau Insure Our Future. Nos actions lors de la Global Week of Action ont joué un rôle clé pour amener Zurich à reconnaître sa responsabilité dans la crise climatique et à prendre des mesures concrètes.
Ce changement de cap est d’autant plus significatif que Zurich assurait auparavant des infrastructures fossiles majeures, telles que des forages pétroliers en mer du Nord et des terminaux de gaz naturel aux États-Unis. En 2023, ces clients représentaient environ 2,1 milliards de dollars de primes, soit près de 7 % du total des primes commerciales du groupe.
Les assureur·euses suisses alimentent la destruction de l’environnement
L’un des exemples les plus frappants du soutien des assureur·euses suisses à l’expansion des énergies fossiles est le terminal de GNL Calcasieu Pass en Louisiane (États-Unis). Cette infrastructure récemment mise en service fait face à une forte opposition des communautés locales en raison de ses graves impacts environnementaux et sociaux. Des rapports soulignent des torchères excessives, des émissions au-delà des limites légales, une pollution de l’eau et la destruction de zones de pêche traditionnelles.
Les habitant·es qui dépendent de ces écosystèmes pour vivre sont particulièrement touché·es. Solomon Williams Jr., pêcheur issu d’une famille locale active depuis plusieurs générations, décrit les conséquences dévastatrices :
« Le terminal pollue les eaux où mes huîtres se nourrissent et se reproduisent, déverse des produits chimiques dans les écosystèmes dont nous dépendons et alimente la crise climatique, rendant ces eaux plus chaudes et imprévisibles. La pollution de l’air et de l’eau rend nos familles malades. Nos enfants développent de l’asthme et des maladies de peau. Beaucoup d’entre nous attrapent le cancer. Chaque jour où Calcasieu Pass GNL fonctionne, il cause des dommages irréversibles. »
Malgré ces préjudices bien documentés, de grandes compagnies d’assurance suisses — notamment Swiss Re, Zurich, Helvetia, Allianz et AXA — figurent comme assureur·euses du projet, selon le certificat d’assurance valide jusqu’au 14 mars 2025. Leur soutien actif permet la poursuite d’un projet qui met en danger à la fois les communautés locales et le climat mondial.

ACTES PASSÉS
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